“Des gestes de la pensée” : cycle d’expositions à La Verrière

20 avril 2013
27 mars 2016
Exposition Benoît Maire, "LETRE" © Fabien de Cugnac
Exposition Francisco Tropa, "Trésors Submergés de l'Ancienne Egypte" © Fabien de Cugnac
Exposition Irene Kopelman, "Chiral Garden" © Fabien de Cugnac
Exposition Hubert Duprat © Fabien de Cugnac
Exposition du collectif Agence, "Assemblée (Des gestes de la pensée)" © Fabien de Cugnac
Exposition Ann Veronica Janssens et Michel François, "Philaetchouri" © Isabelle Arthuis
Exposition Laura Lamiel, "Chambres de capture" © Isabelle Arthuis
Exposition Isabelle Cornaro © Isabelle Arthuis
La vidéo de l'exposition
Premier cycle d’expositions conçu par le commissaire Guillaume Désanges à La Verrière, “Des gestes de la pensée” se déroule d’avril 2013 à mars 2016. De l’exposition inaugurale, manifeste et collective, aux expositions personnelles qui font suite, le cycle met en lumière des œuvres porteuses de tensions fécondes entre forme et pensée, intelligence et technique. Des œuvres au sein desquelles les frontières entre l’idée et sa réalisation, l’esprit et la main, le geste et la pensée paraissent toujours plus troubles et infimes.

 

L’exposition inaugurale du cycle s’inspire de l’œuvre de Marcel Duchamp, abordée sous l’angle de l’artisanat dévoyé. L’imaginaire collectif retient volontiers de cet artiste historique l’image du penseur distant, pur esprit échappant au labeur de l’art pour se consacrer à des activités intellectuelles. On sait pourtant qu’il a mené, dans le secret de son atelier, de vastes chantiers manuels, fondés sur la précision, la minutie et le travail. Autour de créations originales de Duchamp, l’exposition réunit des œuvres des artistes Elias Crespin (Venezuela, 1965), Hubert Duprat (France, 1957), Hans-Peter Feldmann (Allemagne, 1941), Michel François (Belgique, 1956), Ann Veronica Janssens (Royaume-Uni, 1956), Irene Kopelman (Argentine, 1974), Corey McCorkle (États-Unis, 1969), Benoît Maire (France, 1978), Anna Maria Maiolino (Italie, 1942) et Francisco Tropa (Portugal, 1968). Toutes correspondent à cette idée d’une économie artisanale personnelle venant révéler une pensée au travail.

La première exposition personnelle de ce cycle est consacrée à Francisco Tropa, dont une œuvre figurait au sein de l’exposition inaugurale. Les formes prises par le travail de cet artiste entretiennent avec leur substrat culturel une relation trouble, faite d’allers-retours permanents. Le geste et la pensée se musclent mutuellement sans que l’un ne précède l’autre. Sa pratique, ancrée dans la matière, est donc autant intuitive qu’érudite. Intitulée “TSAE – Trésors Submergés de l’Ancienne Égypte”, l’exposition de Francisco Tropa prend la forme d’une installation inédite qui convoque plusieurs types de représentations du monde, du Moyen Âge chrétien aux utopies modernistes. L’ensemble dessine une sorte de fiction sculpturale incomplète que le visiteur peut recomposer mentalement.

Dans le cadre d’une exposition personnelle intitulée “Chiral Garden”, Irene Kopelman est de retour à La Verrière avec une production spécifique autour de la chiralité. Un objet est chiral s’il constitue l’image miroir parfaite d’un autre objet. C’est le cas de certaines cellules, de certaines plantes, de certains coquillages ou concepts mathématiques… Dans une démarche de classement proche de celles des naturalistes et biologistes du début du XXe siècle, l’artiste crée un étrange jardin uniquement composé d’objets chiraux (plantes, fossiles, pierres), ainsi que de ses propres dessins. Des liens invisibles, la présence d’objets ready-made en particulier, relient cette installation à Marcel Duchamp, la figure inspiratrice de l’ensemble du cycle Des gestes de la pensée”.

Pour la quatrième proposition du cycle, Guillaume Désanges présente une installation originale d’Hubert Duprat, dont deux œuvres figuraient au sein de l’exposition inaugurale. Fondé sur une érudition véritable et concrète, le travail de cet artiste ne reste toutefois pas dans l’observation, mais opère sur le mode de l’appropriation. Les éléments minéraux, organiques ou végétaux qu’il mêle à des matières synthétiques ou industrielles sont à la base de sculptures à la séduction troublante, obtenues par des interventions à la fois minimales et délicates. Artiste du faire et du savoir, il reste toutefois sans réel savoir-faire figé ou virtuose, s’appropriant à chaque fois de nouvelles techniques au gré de ses désirs. Il conteste ainsi, en actes, les catégorisations héritées de la modernité en revendiquant une position d’amateur éclairé, d’expérimentateur bricoleur, qui substitue la curiosité à l’expertise.

L’exposition personnelle de Benoît Maire à La Verrière joue avec l’homophonie de son titre, “LETRE” (entre lettreet l’être”). Elle est prétexte à une vaste installation d’éléments agencés qui joue à la fois de la pensée mise en forme et de la sensation. La génération à laquelle appartient l’artiste puise dans des références métaphysiques sans renier la forme, ni les objets. Elle s’intéresse moins à la pensée pure qu’à ses manifestations et ses accessoires (les livres, les images, la culture), usant du savoir comme d’un matériau… Ainsi, c’est autour de plusieurs chantiers de recherche que s’articule l’ambitieux projet de Benoît Maire de concrétiser en formes certains motifs philosophiques. Une occasion de mesurer, de manière curieuse et critique, l’écart fondamental qui résulte entre art et pensée.

La sixième exposition du cycle est consacrée à AGENCE, une initiative collective lancée en 1992 par Kobe Matthys (Belgique, 1970). Le projet consiste à collecter des cas de controverses publiques en matière de propriété intellectuelle et de droit d’auteur concernant des affaires de plagiat, copie, usages déloyaux, escroqueries, etc. Cette recherche unique au monde est présentée sous la forme d’installations et de moments de rencontres où public et spécialistes sont invités à débattre sur chacun des litiges. Pour La Verrière, AGENCE a conçu un assemblage spécifique qui prend comme point de départ l’idée centrale du cycle, soit, à partir de la figure de Marcel Duchamp, les frontières troubles entre l’idée et sa réalisation, l’esprit et la main, le geste et la pensée.

Après avoir chacun participé à l’exposition inaugurale du cycle, Ann Veronica Janssens et Michel François sont invités à produire ensemble un projet inédit. Bien que parfois éloignés dans les formes, leurs univers se rapprochent de manière sourde, presque subliminale. C’est ce principe de complémentarité et de tensions fécondes qui a motivé cette invitation exceptionnelle. À partir d’un dialogue qu’ils ont aussi mené avec le commissaire, les artistes ont imaginé une liste de projets à activer, dont l’installation spécifique pour La Verrière est issue. Intitulée “Philaetchouri”, elle est une référence libre à l’actualité astrale, alors marquée par l’atterrissage du robot Philae sur la comète “Tchouri”. Occupant l’espace central de l’exposition, elle joue sur des tensions entre pesanteur et légèreté, matérialité et illusion, en utilisant des matériaux industriels.

Depuis le début des années 1980, Laura Lamiel (France) construit une œuvre particulièrement forte et empreinte d’absolu. Nommée “Chambres de capture”, son installation inédite pour l’espace bruxellois de la Fondation déploie son vocabulaire plastique sous la forme d’un paysage de “cellules” à arpenter. Objets trouvés et matériaux bruts, rebuts et produits manufacturés, meubles et accessoires sont rigoureusement agencés selon un ordre sensible et sensuel qui joue aussi avec le vide. Exemplaire dans sa manière poétiquement stratégique de multiplier les couches et les perspectives, de montrer et de cacher dans le même geste, le travail de cette artiste fait exploser le regard et les affects dans des directions contradictoires.

Nil Yalter (Égypte, 1938) est une artiste pionnière, libre et originale, qui suit ses intuitions propres, nourries de convictions sociales et politiques, pour créer une œuvre hybride. Fondé sur des bases conceptuelles, mais ne renonçant pas à la forme ni aux matières, son travail singulier a échappé aux canons de l’art de son temps. Dans son exposition personnelle à La Verrière, intitulée “1973 / 2015”, elle montre un ensemble d’œuvres traitant de la question du nomadisme et de l’exil, qui vont de l’emblématique Topak Ev à une production réalisée pour l’occasion. Créant des ponts entre la spiritualité et les grandes questions de la modernité artistique, mais aussi entre les technologies contemporaines et l’artisanat, son art illustre bien de quelle manière l’intensité d’un engagement dans les idées est indissociable d’un engagement dans la forme.

Le cycle “Des gestes de la pensée” se clôt par une exposition personnelle d’Isabelle Cornaro (France, 1974). Comme le souligne Guillaume Désanges, Isabelle Cornaro appartient à une génération d’artistes aussi précisément nourrie de savoir et de connaissance que concrètement engagée dans les formalisations plastiques de son érudition. À travers différentes techniques, elle réalise des œuvres à la facture toujours soignée, porteuses d’une réflexion particulièrement fine sur l’art et son histoire. Pour La Verrière, l’artiste conçoit sur place une nouvelle production en écho à la topographie du lieu. La structure géométrique, jouant sur différents plans, rejoint ses préoccupations en cours autour de la couleur, de la perspective et du volume.

 

Lieu
La Verrière
Bruxelles
Belgique
Le premier cycle conçu par le commissaire Guillaume Désanges à La Verrière se déroule de 2013 à 2016.
L’exposition inaugurale s’inspire de l’œuvre de Marcel Duchamp, abordée sous l’angle de l’artisanat dévoyé.
Dix expositions mettant en lumière des œuvres porteuses de tensions fécondes entre forme et pensée.

Information

  • Dates des expositions
    • Isabelle Cornaro, "dispositif", du 15/01 au 27/03/2016
    • Nil Yalter, "1973/2015", du 02/10 au 05/12/2015
    • Laura Lamiel, "Chambres de capture", du 21/05 au 25/07/2015
    • Ann Veronica Janssens et Michel François, "Philaetchouri", du 06/02 au 30/04/2015
    • Agence, "Assemblée", du 07/11 au 13/12/2014
    • Benoît Maire, "Letre", du 06/09 au 18/10/2014
    • Hubert Duprat, "dispositif", du 26/04 au 12/07/2014 
    • Irene Kopelman, "Chiral Garden", du 07/11 au 14/12/2013
    • Francisco Tropa, "Trésors submergés de l’ancienne Egypte", du 07/09 au 19/10/2013 
    • Exposition inaugurale "Des gestes de la pensée", du 20/04 au 13/07/2013
  • Informations pratiques

    La Verrière,

    50, boulevard de Waterloo

    1000 Bruxelles

     

    Entrée libre du mardi au samedi de 12h à 18h

  • Commissaire

    Guillaume Désanges

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