L’année 2024 s’ouvre à La Verrière avec une sélection de compositions élaborées qui s’amusent à défier l’équilibre par l’agencement de matières fragiles parfois associées à des éléments organiques. Pour Joël Riff, ces œuvres créées par Koenraad Dedobbeleer, né en 1975 à Halle, au sud de Bruxelles, s’apparentent à des « panoplies d’objets ». Cet art de l’assemblage se prolonge par une « constellation de signatures, pléiade européenne que [l’artiste belge] a désignée pour articuler ses propres objets avec liberté ». Une vingtaine de créateurs de tous horizons sont ainsi mis en présence. Issues de la propre cuisine de Koenraad Dedobbeleer, leurs pièces dialoguent avec ses créations hybrides et brossent le portrait d’un artiste sensible au motif comme à la rigueur moderniste. Une cuisine au sens noble du terme, ouverte à toutes les influences pour nourrir au quotidien une pratique qui cultive une curiosité certaine. Sans oublier une relation joyeuse au monde : en témoigne le titre de son exposition, « Emi e dames messeur », emprunté à une enseigne décatie qui insuffle de la poésie à une routine hebdomadaire.
La Verrière accueille ensuite en mai une peinture qui s’élabore autant par ajout que par soustraction. L’artiste Emmanuelle Castellan, née en 1976 à Aurillac, dans le centre de la France, travaille la surface de la toile dans son épaisseur : elle superpose les couches, les effeuille, les recouvre puis creuse jusqu’à trancher parfois le support même de l’œuvre. Avec ces « coupures », comme elle les nomme, la troisième dimension affleure au cœur de la toile, laissant apparaître d’autres perspectives. Intitulée « Spektrum », l’exposition joue de cette polysémie, à l’image des formes et silhouettes qui habitent les tableaux sans que leurs contours semblent jamais définitifs. Pour accompagner la peintre installée à Berlin, le commissaire Joël Riff a réuni à La Verrière cinq créateurs — Johannes Nagel, Dagobert Peche, Muriel Pic, Norbert Schwontkowski et Walter Swennen — qui partagent avec elle un même tropisme germanique et dont les explorations respectives — la peinture, la céramique, les arts décoratifs et l’écriture — confèrent une ampleur supplémentaire aux œuvres d’Emmanuelle Castellan.
De par son titre même, « Esperluette », la sixième proposition de Joël Riff pour La Verrière, revendique la dimension collaborative qui guide sa programmation et nourrit fondamentalement la pratique de l’artiste Hélène Bertin, à l’image de cette exposition produite en partenariat avec l’Académie de France à Rome. Née en 1989, la plasticienne fertilise son œuvre de ses rencontres avec des artistes et artisans qui lient leurs savoir-faire avec sa recherche. Son langage se déploie dans ces temps de partage, dans ce qu’il en advient, et dans l’assemblage de formes issues de la nature qu’elle prélève avec le plus grand respect. Pensionnaire de l’Académie de France à Rome à la Villa Médicis de l’automne 2023 à l’été 2024, Hélène Bertin présente à La Verrière une série de pièces directement issues de ce séjour et des collaborations qu’elle y a menées. Ainsi découvre-t-on, sous les auspices du glyphe « & » synonyme de lien, des interventions de la charpentière marine Anne Blanès, de la cultivatrice de fleurs Aline Cado, de la compositrice Marion Cousin, de la potière Caroline Nussbaumer et de la teinturière végétale Lola Verstrepen. Selon les mots de Joël Riff, « une communauté se rend visible par ce qu’elle fabrique, assemblant des objets en réseau à l’image d’une production par ramification ». En résulte une exposition plurielle par essence, empreinte d’une évidente sensibilité commune.