Lauréate du prestigieux Turner Prize en 2013, Laure Prouvost s’est imposée sur la scène internationale avec ses installations immersives narratives dans lesquelles la fiction fait basculer le public dans un monde poétique teinté d’humour et d’onirisme. Peuplé par d’étranges personnages et d’énigmatiques messages mis en scène comme des œuvres, cet univers s’ouvre ici sur une agence de voyage, Deep Travel Ink., qui donne son titre à l’exposition.
L’existence d’une famille inconnue et une destination mystérieuse servent de fil rouge à cette plongée dans une réalité parallèle animée par des images en mouvement. Avec humour et générosité, la plasticienne convie le visiteur dans un monde subconscient, libéré du régime hégémonique de l’argent et de l’information. Ses œuvres fantasques regorgent ainsi d’espaces ouverts à toutes les interprétations, propices à la contemplation poétique.
Jouant également sur la mise en place d’une fiction plus vraie que nature, l’exposition “The Burning Love Song” de Sungsil Ryu succède au projet de Laure Prouvost. Née en 1993, l’artiste coréenne est devenue en 2021 la lauréate du 19e Hermès Foundation Missulsang, prix dédié à la création coréenne et décerné par un jury international. À ce titre, elle a bénéficié d’une dotation financière ainsi que d’une bourse de production pour poursuivre son travail satirique, dédié aux traditions consuméristes de la Corée contemporaine. Dans“The Burning Love Song”, Sungsil Ryu renoue avec son personnage fictif Dae Wang Lee, à la tête d’un service funéraire dédié aux chiens. En assistant à une cérémonie où le talent entrepreneurial prend le pas sur le chagrin, le public découvre combien le gain repose sur la manipulation du désir humain et de la faiblesse. À travers plusieurs médiums, la jeune plasticienne crée avec humour des mondes parallèles, dans lesquels la mort permet de révéler, non sans ironie, le visage d’une certaine société coréenne capitaliste.
C’est un projet tourné vers l’onirisme qui lui succède, conçu par la plasticienne coréenne Hwayeon Nam, née en 1979 à Séoul. Comprenant trois pièces inédites, l’exposition “GABRIEL” invite à observer le passage du temps, sous les auspices de l’archange. Une vidéo précisément intitulée Gabriel dévoile une multitude de signes d’événements... qui n’ont pas encore eu lieu. Cette étrangeté prolonge la présence, en début de parcours, d’une sculpture sonore baptisée Coda – ce terme musical désignant le passage terminal d’un morceau. Le public est ainsi immergé dans une temporalité non linéaire, paradoxale, qui s’ouvre potentiellement sur un monde parallèle grâce à la fenêtre Window-Dream. Ainsi surgit la possibilité bienvenue d’une échappatoire, alors que la présence de rideaux, convoquant aussi bien l’imaginaire de la musique de chambre que des représentations de l’Annonciation, fait également écho aux situations d’isolement vécues avec la pandémie. Entre rêve et réalité, Hwayeon Nam offre au public une variation sur le flux irréversible du temps.