Qu’est-ce qu’une “interférence” ? Sous ce titre, l’exposition inaugurale de l’année 2023 invite le public à en faire l’expérience. Quatre artistes explorent nos perceptions à travers des sensations que nos corps éprouvent intimement, comme la lumière, les vibrations ou encore les ondes. Dans une esthétique très épurée, chaque plasticien met en exergue les subtiles variations d’interférences auxquelles notre corps est soumis au quotidien. Le visiteur est ainsi convié à méditer sur la perception, à travers un ressenti profond qui s’exerce aussi bien physiquement que de manière inconsciente. Le titre “Interference” est emprunté à la série de tableaux de Shingo Francis (né en 1969 aux États-Unis) : contenant des pigments d’interférences lumineuses, les couleurs se révèlent selon le point de vue. Non loin, une installation de Susanna Fritscher (née en 1960 en Autriche) plonge le public dans une expérience sensorielle de vibrations et de pulsations au-delà des fréquences qui nous sont audibles. Enfin, le plasticien Bruno Botella (né en 1976 en France) présente des pièces vouées à stimuler nos perceptions subconscientes grâce à des sensations tactiles, tandis qu’Aiko Miyanaga (née en 1974 au Japon) invite les visiteurs à un voyage cosmique – sensation ultime transcendant le temps et l’espace – à l’occasion d’une cérémonie du thé à partager en ligne.
Après ce projet empreint d’évanescence, la commissaire d’exposition Reiko Setsuda célèbre la matière de la terre avec « Enamel and Body / Ceramics ». Cheville ouvrière du déploiement de l’Académie des savoir-faire au Japon, elle signe cette exposition collective autour de la céramique, présentée au Forum parallèlement à l’édition japonaise de l’Académie consacrée à la terre. Au cœur de ce projet, le corps et la terre, donc. Les animaux métamorphosés que la plasticienne française Françoise Pétrovitch immortalise en émail ou les monticules du céramiste japonais Masaomi Yasunaga renvoient nos corps à leur finitude. Les balais de la plasticienne française Sylvie Auvray chorégraphient nos rituels quotidiens, tandis que les petits monuments façonnés « de mémoire » par l’artiste franco-japonais Yusuke Offhause traduisent ses projections mentales. Les créations en céramique de la plasticienne helvético-japonaise Agathe Naito invitent le corps à interagir dans des performances aux accents ludiques. Et, dans une tout autre perspective, l’artiste japonaise Machiko Ogawa médite sur la fécondité du rapport à l’eau dans les civilisations. Dans le prolongement de l’art ancestral de la céramique, l’ensemble de ces propositions témoigne de la variété de la sculpture contemporaine et de la formidable vitalité de la création artistique à partir de la terre.
Enfin, l’année s’achève par un projet intitulé « Ecology : Dialogue on Circulations » qui se déploie en deux temps : une rétrospective à l’automne 2023 suivie d’une exposition collective au premier semestre 2024. Considérant l’écologie comme un concept en mouvement intégrant des enjeux économiques, sociaux et politiques, cette double programmation réunit des artistes qui envisagent l’humanité dans sa relation à la nature. Ainsi, la plasticienne sud-coréenne Jaeeun Choi clôture l’année 2023 au Forum avec sa rétrospective « La Vita Nuova ». Née en 1953 à Séoul, elle n’a plus jamais cessé de travailler sur le rôle fondamental de la biodiversité depuis sa découverte de l’art de l’ikebana au Japon, en 1976. Ponctuée d’œuvres anciennes et de pièces récentes, « La Vita Nuova » retrace quatre décennies de création engagée, qu’il s’agisse de l’observation des écosystèmes qui surgissent dans la zone démilitarisée de la péninsule coréenne ou d’un travail à partir de coraux morts. Si ces créations nous interpellent par l’enjeu écologique qu’elles mettent en exergue, elles restent éminemment poétiques et portées par un idéal de coexistence avec le monde vivant. Ainsi, la carrière artistique de Jaeeun Choi apparaît-elle comme un dialogue, à l’échelle d’une vie, dédié aux questions universelles de l’art.