Cette année 2013 correspond à la fin du premier cycle du programme de Résidences d’artistes, initié en 2010. Les parrains de ce cycle d’une durée de quatre ans sont des artistes reconnus avec lesquels la Fondation entretient une complicité active : il s’agit de Susanna Fritscher, Richard Deacon, Giuseppe Penone et Emmanuel Saulnier.
En résidence au sein de la Holding Textile Hermès, en région lyonnaise, Gabriele Chiari (Autriche, 1978) fait dialoguer son travail pictural avec un matériau inédit, la soie. Accompagnée par les artisans et les conseils de sa marraine Susanna Fritscher, l’artiste a choisi de travailler à partir d’une technique rare : l’impression chaîne sur satin duchesse. Celle-ci consiste à imprimer (peindre, en l’occurrence) sur un premier tissé, qui est ensuite détissé puis retissé. Le protocole de création habituel de l’artiste a dans un premier temps été respecté : sur un large support vierge, la soie remplaçant ici le papier, elle verse la couleur, la laisse se répandre et générer sa propre forme. L’effet final, après retissage, est troublant : la forme peinte en rouge profond est aléatoire, mais elle est intégrée à la structure même du textile.
À la Maroquinerie Nontronnaise, en Dordogne, Marcos Avila Forero (Colombie, 1983) développe un projet autour de l’art des communautés palenques. Issues d’esclaves fugitifs implantés en territoires rebelles sur le continent latino-américain, ces communautés ont survécu et leur culture s’est affirmée à travers leurs tambours. Le jeune artiste parrainé par Giuseppe Penone a demandé aux artisans d’adapter leurs savoir-faire afin de construire un jeu de tambours à l’aide de cuir parchemin. L’histoire des palenqueros a été retranscrite sur le cuir, et les tambours ont ensuite été joués par des musiciens africains, bouclant ainsi une « boucle » de déplacements humains et de croisements culturels.
En résidence à la Cristallerie Saint-Louis, en Moselle, Marie-Anne Franqueville (France, 1980) imagine une œuvre dont la réalisation implique plusieurs ateliers. L’artiste parrainée par Richard Deacon s’inspire d’un service de 1971 (Diane) pour concevoir un « dressage de table tueur ». Chacune des délicates pièces de cristal représente une partie armée du corps de la femme : la pièce centrale est un casque-chevelure transpercé de pics et couvert d’un réseau de filaments rouges, des verres aux bords aiguisés jouxtent deux coupoles (des seins aux tétons pointus) recouvrant une dose d’arsenic… Une installation tout à la fois vénéneuse et fragile, inquiétante et fascinante.
À l’atelier sur mesure du bottier John Lobb, à Paris, Anne-Charlotte Yver (France, 1987) explore de nouveaux territoires grâce à la découverte du cuir. Marquée par le travail de transformation qui va de l’animal à la peau, l’artiste parrainée par Emmanuel Saulnier place cette dualité au cœur de sa Living Dead Factory. Le cuir est éprouvé : en lanière fixée au mur, forcée en une tension extrême par des barres métalliques ; en sangle suspendue, supportant le poids de structures abstraites en béton. Les éléments composant l’œuvre sont travaillés par un jeu de tensions entre matériaux (cuir, caoutchouc, acier et béton) et sensations (souplesse, pesanteur, contrainte, équilibre).